Nous publions ici un article écrit le 22 Février 2019 sur le site Actus.fr

Leurs élevages sont perturbés par des champs électromagnétiques provoqués par une antenne relais ou une ligne à haute tension. Les agriculteurs sortent du silence.

Eleveur de lapins à Saint-Longis près de Mamers (Sarthe), Patrick Pilon a initié une réunion-débat dans sa commune avec le soutien du Collectif sarthois de défense des agriculteurs présumés victimes des rayonnements électromagnétiques.

Plus de 150 personnes ont fait le déplacement. La plupart pour raconter leur mal-être face à un phénomène qui n’est pas reconnu par les autorités sanitaires.

Pour les géobiologues, experts des chambres d’agriculture dont la profession n’est pas reconnue par l’Etat, cela ne fait aucun doute : les nuisances qui affectent les bêtes (diminution de l’immunité globale, affaiblissement énergétique, voire mort de l’animal) sont provoquées par ces antennes relais ou lignes à haute tension situées trop près ou traversant les exploitations agricoles.

De la peur, de la honte…
Baisse de la production, baisse du chiffre d’affaires, problème de remboursement des fournisseurs, des crédits… C’est la descente aux enfers.

Les agriculteurs pensent être seuls dans cette situation. Frappés par la peur, ils se renferment et n’osent pas demander de l’aide. Honteux, ils n’osent pas en parler.

Ce vendredi après-midi, en février 2019, dans le Nord-Sarthe, les langues se sont déliées. Ils sont venus du Perche ornais ou eurélien, de la Sarthe, du Calvados et ils ont pris la parole pour raconter leur calvaire.

« On a emmené nos bêtes à la mort »
Cette éleveuse est installée entre Nogent-le-Rotrou et Authon-du-Perche. Son fils a voulu se mettre à son compte en 2015.

« Sur le premier site, aucun poteau électrique n’a été planté. Sur le deuxième, on était content d’y mettre nos vaches. Mais on a les emmenées à la mort. »

« On a constaté une baisse de production, les vaches étaient malades. Et en plus, on a rencontré des problèmes d’infécondité. »

« On a une ligne haute tension qui passe à 2,5 mètres au-dessus du bâtiment. Enedis doit la surélever d’un mètre. »

Est-ce suffisant ?

Un éleveur ornais s’est lancé en 1996. En 2008, il s’est équipé en robot de traite. Une ligne de 24 000 volts passe au centre de l’élevage, à 10 mètres de la nurserie et à 30 mètres du robot.


En 2011, Enedis a proposé d’enlever la ligne aérienne pour la mettre à l’extérieur de la ferme en enfouissant les câbles.

« Nous pensions que c’était bien. Mais le robot m’indiquait une baisse de la fécondité. »

« On a déplacé sept fois la prise de terre : la situation s’améliorait quinze jours et puis, ça se dégradait à nouveau ! »

« La ligne va être déplacée mais à mes frais. C’est la seule solution. »

L’agriculteur a découvert dans un cadastre napoléonien que « le transformateur a été posé en pleine zone marécageuse » !

Un pont Wifi… pas vraiment la bonne idée
Cet éleveur de volailles voulait gérer le bâtiment à distance pour pouvoir profiter de sa famille. Il a installé un pont Wifi.

« Depuis trois ans, j’ai des soucis sur mon élevage. Le vétérinaire ne trouve rien. Cela fait trois ans qu’on me dit que c’est peut-être à cause de la ventilation, ça peut être l’eau… On ne sait vraiment pas d’où ça vient. »

Le géobiologue, présent à la réunion, lui a conseillé de couper la Wifi et de voir comment se comporte son lot. Affaire à suivre…

« Une catastrophe, une galère »
Cette Sarthoise vit près de Mamers, elle exploite un poulailler de poules pondeuses depuis 2009.

« Notre élevage se trouvait près d’un transformateur et d’une ligne à haute tension. Tout marchait super-bien jusqu’en 2013 quand un voisin a demandé de tirer une ligne électrique. »

« Depuis, notre élevage, c’est une catastrophe. C’est une galère. »

« Au niveau santé, c’est très dur. Nous avons fait venir un géobiologue. C’est mieux mais ce n’est pas encore ça. »

« Nous avons fait venir Enedis : on nous a proposé de faire des recherches, des tests mais ils se contrôlent eux-mêmes… Ils n’ont forcément rien trouvé. »

« Existe-t-il des experts extérieurs pour mener des enquêtes ? », demande-t-elle.

Une antenne sur une faille géologique
Une antenne GMS a été montée près de l’exploitation de cet éleveur bovin avec pour conséquences : baisse de production de lait, baisse de fécondité…

« Cette antenne se trouvait sur une faille géologique avec quatre passages d’eau : deux dans la stabulation, un dans la traite et un autre dans la nurserie. C’est 10 % de lait que j’ai du mal à retrouver. »

« Des maladies frappent mes veaux, certains ont des problèmes de croissance et c’est inexpliqué. »

Au bord du suicide
Ses poules avaient fait la une du journal Le Perche en mars 2015 sous le titre : « A Comblot, les poules ne pondent plus. »

DU jour au lendemain, ses 1600 poules ont arrêté de pondre.

Sylvie Gasnier avait tiré la sonnette d’alarme. Elle et Hubert Goupil étaient au bout du rouleau. Ils ne comprenaient pas ce qui leur arrivait : comment leurs 1 600 poules pondeuses, élevées en plein air, ont arrêté de pondre du jour au lendemain ?

De 1 300 œufs par jour, elles sont passées à une petite centaine.

Sylvie Gasnier se tient debout, devant l’assemblée. Micro à la main, elle raconte.

« Je travaille tous les jours. On a un outil de travail et on ne peut pas en vivre. »

En 2014, elle adresse un courrier au ministère de l’Agriculture qui lui a répondu que c’est un problème émergeant dans l’agriculture et qu’elle doit se rapprocher de la chambre d’agriculture pour mettre en place un GPSE (Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole).

« Il a fallu un an pour faire déplacer le président de la chambre d’agriculture. »

Une réunion s’est tenue chez elle avec une experte GPSE. « On a réussi à avoir une pseudo-expertise faite sur ses propres deniers car il n’y avait pas de sous. Je devais fournir tous mes relevés des dernières années et ils ont vérifié si j’avais donné le bon vermifuge ! »

La Percheronne avait une liquidation judiciaire sur le dos. « Mes bâtiments étaient saisis. »

Liquidations, terres saisies…
« On a une liquidation pour Hubert, une liquidation pour le Gaec, on a failli avoir une saisie sur les terres. Heureusement, qu’on avait un couple d’amis qui nous a aidés financièrement. Et on a réussi à sauver nos terres. »

« Depuis l’année dernière, une saisie a eu lieu à la maison. On a vu les animaux partir pour un prix dérisoire. Les tracteurs sont vieux mais quand je les ai vus sur le camion, c’était horrible… »

Trois procédures étaient en cours. « On a réussi à décrocher une expertise judiciaire. Il y avait les avocats d’Enedis, d’Orange, de SFR que nous attaquons. »

« J’ai pris un bidon d’essence… »
« On a fait déplacer un expert en biologie cellulaire pour un élevage de 1 600 poules, dans le « trou du cul du monde », comme l’a qualifié l’actuel président de la Région Normandie. »

« Ils m’ont dit qu’ils comprenaient parfaitement notre situation. »

« NON, ils ne peuvent pas comprendre. »

La descente en enfer se poursuit.

« Une proposition de rachat avait été faite alors que dans le même temps, un encart pour liquidation judiciaire a été publié dans la presse. »

Sylvie Gasnier pense au pire :

« J’ai pris un bidon d’essence… je suis allée loin. Mon fils a fait intervenir la gendarmerie qui m’a arrêtée à temps. »

Elle et son conjoint s’accrochent. « Dans un couple, il faut être solide. Sinon, ça craque. »

« A un moment donné, on est accusé systématiquement. On n’en peut plus. Ça dure depuis 2012. On ne sait pas pour combien d’années on en a encore… »

Au bord du gouffre
Ils sont venus de Livarot, dans le Calvados, où ils sont installés depuis 1990. Leur témoignage fait froid dans le dos.

Erika et Jean-François Levillain mettent en cause une antenne de télévision numérique montée fin 2014 et une ligne à haute tension, située à quelques mètres de leur exploitation.

Les conséquences sont immédiates : ils perdent la moitié de leur vêlage, leurs soixante vaches laitières changent de comportement, leur production, qui sert à la fabrication de livarot, pont-l’évêque et camembert AOC, a été déclassifiée.

Infarctus
« Un géobiologue est venu, il a confirmé que cela provenait bien de l’antenne. »

Un contrôle de la DSV (direction des services vétérinaires), diligenté par la sous-préfète de Lisieux, a prouvé qu’ils ne maltraitaient pas leurs animaux.

Erika Levillain a évoqué la solidarité entre agriculteurs après la diffusion d’un reportage à la télévision. Un agriculteur de Strasbourg a fait l’aller-retour pour les rencontrer.

« Nous étions au bord du gouffre. Nous n’avions même plus de quoi payer nos fournisseurs, la banque ne nous a pas soutenus. »

Fin 2016, un redressement judiciaire a été prononcé « pour limiter les dégâts et ne plus avoir les huissiers tous les deux jours » :

« C’est un moment très dur à vivre. »

« Mon mari a fait un infarctus, le Samu est intervenu, les secouristes n’ont pas pu faire fonctionner leur matériel. Ils ont déplacé leur camion et tout fonctionnait. Ils n’en revenaient pas. »

« Ils m’ont dit de fermer ma goule »
« Nous avions le projet d’avoir un troisième enfant. Le bébé bougeait tout le temps dans le ventre et quand je suis allée voir le gynécologue, celui-ci m’a dit qu’il y avait un problème. »

Son bébé est mort.

« Il faut être solide dans son couple et compter sur ses amis. »

« La chambre d’agriculture du 14 m’a dit de quitter la ferme. Il y a des gens pour récupérer les terrains. »

« Concernant l’antenne, ils m’ont dit de fermer ma goule et de ne plus parler aux journalistes. On nous a demandé de nous taire. »

« Nous ne sommes pas des illuminés »

Avec le soutien du Collectif sarthois de défense des agriculteurs présumés victimes des rayonnements électromagnétiques, Patrick Pilon, futur ex-éleveur de lapins a réussi à « mettre le bazar ».

« Pendant des semaines, je me suis demandé s’il fallait que je le fasse. » Et il l’a fait. Avec réussite.

« S’il y a du monde, constate-t-il, c’est qu’il y a un souci » :

« Si les gens viennent, c’est parce que mon témoignage dans la presse les interpellés. »

Ce qui l’inquiète, c’est le témoignage de tous ces agriculteurs. « Même mes voisins ont des problèmes d’acouphène. »

Le Sarthois va continuer à sillonner la route
« L’objectif de cette réunion est que les gens puissent s’exprimer, qu’ils évitent de s’enfermer et qu’ils aient peur de passer pour des illuminés. C’est ce que je pensais encore en septembre 2018. »

SFR, dont l’antenne se trouve à 150 mètres de son exploitation l’a contacté et veut le rencontrer. « Ils m’ont demandé de faire des relevés d’onde mais je leur ai répondu qu’ils étaient en dessous. »

« Je sais que sur l’aspect technique, je ne peux pas les attaquer. Tout ce que je peux faire, c’est continuer à sillonner la route et à recueillir des témoignages. Ça me permet d’avoir du concret quand j’irai voir SFR. »

Patrick Pilon invite les élus à être plus sévère car ils « reçoivent les antennistes sans se poser de questions, ils n’ont pas conscience du problème ».

Quelles solutions ?
Olivier Ranchy, géobiologue à la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, a présenté son métier à l’assemblée. Un métier qui n’est pas reconnu par l’Etat.

Olivier Ranchy est amené à intervenir dans les exploitations au moment où celles-ci sont montées pour qu’elles ne se trouvent pas dans des champs électromagnétiques.

Interrogé au cours de la réunion sur les précautions à prendre, il a indiqué, entre autres, que « la nuit, il fallait éteindre la Wifi pour que notre organisme se repose car notre corps est constamment attaqué ».

« Les portables, on les met où ? Dans la poche du pantalon (hausse de la stérilité à Paris), près du cœur (hausse des infarctus), à l’oreille (les neurones sont impactés). Le portable cherche les émetteurs en permanence. »

« Surtout, ajoute-t-il, ne téléphonez pas en mouvement » :

« Quand vous êtes en voiture ou dans le train, mettez le portable assez loin de vous. La nuit, si vous l’utilisez comme réveil, mettez-le mode avion. »

Le GPSE, expertise indépendante
En réponse aux demandes des agriculteurs, le GPSE propose une démarche d’analyse qui s’appuie sur des expertises sur la sécurité électrique et sur les phénomènes parasites dans les exploitations agricoles.
Le GPSE traite à la fois les questions zootechniques, vétérinaires et électriques en s’appuyant sur les connaissances scientifiques reconnues sur le sujet.
Il exerce son activité de façon indépendante et mobilise son propre réseau d’experts en s’assurant de leur neutralité et de leur compétence.

La 5G est-elle dangereuse ?
Pour une intervenante, « électrohypersensible reconnue » – elle souffre de brûlures à la bouche -, « la 5G ne va pas arranger les choses. Ça va plus vite et on ira plus vite dans la tombe ».

« Le développement de la 5G est-il dangereux pour la santé ? » Libération, dans CheckNews, répond à cette question.

En France, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a créé en 2011 un groupe de travail « radiofréquences et santé » pour mesurer l’impact sanitaire de l’exposition des populations. Le rapport de 2013 ne mettait pas en évidence « d’effets sanitaires avérés. Certaines publications évoquent néanmoins une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphones portables. »

L’Anses affirme également que l’exposition globale est « faible au regard des valeurs limites d’expositions actuellement utilisées » mais qu’il existe des « zones d’expositions notablement plus importantes qui pourraient être technologiquement réduites ».

Enfin, dans son rapport de 2016, Exposition aux radiofréquences et santé des enfants, l’agence recommande « de limiter l’utilisation par les enfants des dispositifs électroniques émetteurs (tablettes, téléphone, etc.) ».

Pour les parlementaires, cette problématique doit devenir « une cause naturelle »
Henri Joly, membre du Collectif sarthois de défense des agriculteurs présumés victimes des rayonnements électromagnétiques, a invité 32 parlementaires. Il regrette leur faible présence, « sans qui il est difficile d’avancer ». Il constate « voir toujours les mêmes ».

Parmi eux : Sylvie Tolmont, députée de la 4e circonscription de la Sarthe, et Nadine Grelet-Certenais, sénatrice de la Flèche.

En mars, Sylvie Tolmont interpellera le ministre de la Transition énergétique. « Juridiquement, on devrait avancer. »

Nadine Grenet, sénatrice de La Flèche, se déplace chez les agriculteurs :

« J’ai essayé d’alerter mes collègues sénateurs et j’ai rencontré beaucoup de scepticisme. »

« Il faut vraiment construire le réseau en terme d’informations et de conseils. »

« Faisons confiance aux parlementaires »
Monique Nicolas-Liberge et Marie-Christine Besnard, respectivement conseillères départementales du canton de Mamers et de Mortagne-au-Perche, ont montré leur détermination.

Pour Monique Nicolas-Liberge, « il faut que cette problématique devienne une cause nationale. Et faisons confiance aux parlementaires pour mener à bout ce projet ».

De son côté, Marie-Christine Besnard a « espéré ce genre de réunion à Mortagne-au-Perche » : « Mais nous avons eu moins de monde. »

« Les agriculteurs sont en souffrance »
« Il ne faut rien lâcher. Quand on voit une assemblée comme celle-là, ça donne envie de continuer à se battre. »

« Les agriculteurs sont en souffrance. Il y aura des exploitations sacrifiées mais il faut continuer. »

« S’il faut une cause nationale, il faut employer les grands moyens. Véronique Louwagie, députée de l’Orne, est intervenue au Parlement pour la reconnaissance de la géobiologie. »

« Je trouve ça tellement injuste ! On met tous les freins possibles et inimaginables pour ne pas avancer. »

Frédéric Beauchef, maire de Mamers, incite ses confrères à demander une étude géobiologique quand il faut délivrer les permis de construire des poses d’antennes.

« Linky, par exemple, je leur ai fait entendre qu’ils avaient une part de responsabilité. C’est important. »

Aux législateurs de faire en sorte d’imposer une étude de géobiologie pour les antennes de téléphone. Nous devons pouvoir réfléchir à l’élaboration d’avoir une étude, ça serait une bonne piste. »

Quant à l’installation des antennes sur les châteaux d’eau : « Nous allons en parler au président du syndicat de distribution d’eau. »

« Plutôt que de mettre en cause car il est difficile de prouver, anticipons en demandant des études. »